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Les différences culturelles au travail (2e partie)

Chacun vante les différences interculturelles pour leur aspect enrichissant et l’ouverture d’esprit qu’elles apportent en termes de créativité, d’innovation et d’amélioration des process au sein des entreprises. Mais la réalité peut être bien différente et apporter frustration et tensions au sein des équipes quand elles sont mal appréhendées.
Laurence Romani, chercheur en Leadership au centre d’études avancées en leadership à Stockholm, Anne et Marlène, Françaises expatriées en Suède, Safete, Kosovar ayant immigrée en Suède à l’adolescence et Marcus, Suédois, ont accepté de se prêter aux jeux des différences.

 

Faire la différence entre la culture, l’être humain et la personnalité

 

Au travail, Marcus a le sentiment que « c’est plus simple en France car au moins on sait clairement ce que les autres pensent ». Safete explique que les titres restent très importants et recherchés par les gestionnaires de projets et que la hiérarchie n’est pas si plate que cela en Suède. Marlène note le fait que les journalistes non pigistes de la rédaction suédoise dans laquelle elle travaillait se devaient d’être physiquement au bureau pour rester sous le contrôle du chef de rédaction.
Notre vision du monde, tel qu’il est et comment il devrait être, est certes colorée par les valeurs et préceptes de notre culture mais aussi et surtout par les valeurs que nous chérissons en tant qu’individu, nos craintes, nos ambitions… De là découlent nos jugements et opinions. Chacun a ainsi une relation unique avec sa propre culture et avec les autres cultures qu’il rencontre.

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Culture et idéaux culturels

Concrètement, qu’est ce que c’est, la “culture”? C’est une référence commune à un groupe qui permet de mobiliser les individus, qui les pousse à agir d’une certaine manière dans un cadre donné : familial ou tribal, national ou dans le cadre du travail, la bien nommée “culture d’entreprise”. La culture permet de comprendre implicitement ce qui se passe au sein de ce cadre. Il faut néanmoins distinguer les idéaux d’une culture et la réalité de cette culture.

Prenons l’exemple des idéaux suédois dans un contexte professionnel : l’égalité des genres, les relations humaines et notamment le bien-être et la confiance en soi et l’équilibre vie professionnelle – vie privée. On s’attend à ce que ces trois idéaux soient plus développés en Suède qu’en France. Pourtant, il apparaît que les témoignages d’Anne, Safete ou Marlène au sujet de la parité sont identiques mot pour mot à ce que l’on entend en France. Bien sûr, le point de départ est différent, la Suède ayant posé cette problématique au cœur des programmes politiques bien avant la France. Mais les préoccupations sont les mêmes dans les deux pays en matière d’équité.

Autre exemple avec l’équilibre vie professionnelle – vie privée. La vision de l’employé idéal est la même dans le monde occidental, à savoir celle d’un collaborateur disponible en temps et en esprit, investi et dévoué à son entreprise. La Scandinavie véhicule certes une image moins masculine que celle en France. Dans l’Hexagone, l’employé modèle est représenté de façon caricaturale comme le chef de famille qui privilégie son avancement professionnel et son rôle de soutien financier de la famille au détriment de sa vie privée. Pour autant, cet équilibre vie professionnelle – vie privée ne représente pas une thématique économique et politique mais plutôt un enjeu humain que l’on retrouve en France tout comme en Suède ou dans de nombreuses cultures.

 

Les besoins humains dans le cadre du travail

Quels sont les besoins primaires des êtres humains ? Spontanément, la réponse a tendance à être : se nourrir, boire, dormir. Ce sont des besoins mécaniques. Pourtant, il faut à l’homme bien plus pour vivre : se sentir en sécurité, se sentir exister pour soi et au travers du regard des autres, sentir qu’il exerce un certain contrôle sur sa destinée. Or travailler avec des différences culturelles peut se révéler être angoissant car elles fragilisent ces besoins essentiels.

equipe internationale-CrossRoads IntelligencePrenons un cas concret: une filiale suédoise dont le siège se trouve à l’étranger missionne un nouveau manager qui ne parle pas le suédois, ne connait ni le pays ni sa culture. Ce manager prend des décisions qui semblent absurdes aux équipes locales. On peut tout à fait comprendre le malaise qui pointe parmi elles: la crainte de ne pas se sentir comprises et considérées dans le travail effectué, de perdre leur identité face à un siège social “tout puissant”, de ne pas voir les défis pris en compte par manque de connaissances culturelles. La réaction peut être épidermique…

De même, il faut admettre le stress d’un expatrié arrivant dans en Suède, pays dont il ne maîtrise ni les usages, ni très souvent la langue. Imaginez un manager qui prend son poste dans une entreprise inconnue, même si c’est une filiale de celle pour laquelle il travaille depuis longtemps. Il doit à la fois satisfaire son équipe locale dont il ne comprend ni les attentes (chef à la française ou à la suédoise… ?) ni les codes, comme par l’exemple l’humour, et en même temps, conscient des enjeux financiers de sa mission, il doit donner des résultats au siège au plus vite. A cela s’ajoute la gestion de sa vie privé, conjoint et famille délocalisés, arrachés à leur quotidien, peinant à trouver leur place et très souvent, ne vivant pas au même rythme.

Le Suédois qui accueille le Français se sent-il reconnu ? Le Français qui arrive “en force” se sent-il légitime ? Les différences culturelles au travail soulèvent ces deux interrogations cruciales. La bonne réussite d’une équipe dépend entièrement de la façon dont elle appréhende le mélange de plusieurs codes culturels.

Par ailleurs, l’insécurité et les envies personnelles déclenchent souvent des luttes de pouvoir, conscientes et inconscientes. Ce n’est pas parce que la hiérarchie suédoise se dit plate qu’il n’y a pas de lutte de pouvoir par ambition, par besoin de préservation ou pour exister et se sentir reconnu, tout simplement.

 

Quatre clés pour manager une équipe internationale

Differences culturelles au travail - CrossRoads intelligence1. Ayez conscience du mode de fonctionnement de toutes les cultures en présence, et notamment la vôtre! C’est en comprenant d’où viennent vos comportements en société que vous comprendrez votre manière d’appréhender et de juger le fonctionnement des autres personnes.

2. Tout n’est pas culturel et un individu n’est pas sa culture. Certains Français vont sembler plus Suédois que certains Suédois ! Utilisez les outils « business » comme le SWOT (abréviation de Strengths (S) – forces, Weaknesses (W) – faiblesses, Opportunities (O) – opportunités, Threats (T) – menaces) pour révéler les nuances entre collaborateurs. Vous pouvez également proposer à tous et toutes de réaliser un rapport d’étonnement*, une manière de confronter les attentes d’un employé à la réalité de l’entreprise pour réfléchir ensemble à la manière dont vous pouvez tirer parti de chacun des ”étonnements” cités.

3. Prenez en considération les besoins psychologiques des groupes et des individus : exister, se sentir en sécurité et reconnu dans son intégrité

4. Et surtout respirez! Les agissements reflètent plus souvent un sentiment, un désir de la personne que vous avez en face vous. Peu de choses au final sont tournées contre vous personnellement.

Anticiper, identifier et manager les différences culturelles vous apportera créativité, innovation, amélioration des processus, mais aussi foux-rires, enrichissement personnel et nouvelles amitiés, et un environnement de travail stimulant où il fait bon venir tous les matins.

A vous de jouer la diversité au sein de vos équipes !

Pour aller plus loin :
* le rapport d’étonnement

Article publié dans lepetitjournal.com, édition Stockholm